Plaine-Orety : la visite nocturne d’Oligui Nguema, entre compassion affichée et gestion post-déguerpissement

À l’heure où la plupart des Librevillois dormaient, le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, a surpris en se rendant en pleine nuit aux environs de 1h du matin sur le site du déguerpissement de Plaine-Orety. Un déplacement rare, presque solennel, qui marque une volonté présidentielle de garder un contact direct avec les réalités sociales. Mais derrière ce geste fort, une série de questions essentielles reste posée.
Depuis plusieurs jours, Plaine-Orety vit au rythme des bulldozers et des cris étouffés de familles arrachées à leur quotidien. Les opérations de libération des espaces publics se poursuivent dans ce quartier, où des habitations ont été démolies, sans qu’un véritable plan d’accompagnement n’ait été clairement annoncé au préalable. C’est dans ce contexte tendu que le chef de l’État a choisi de descendre sur le terrain, à une heure peu conventionnelle.
Certains y voient un geste de compassion, un signe fort d’un président qui ne se contente pas de dossiers administratifs ou de rapports sécuritaires, mais qui tient à voir, à sentir, à entendre lui-même les échos du terrain. Sur place, malgré l’heure tardive, quelques familles ont pu échanger avec lui, exprimant douleur, inquiétude et incompréhension face à une situation vécue comme brutale.
Mais au-delà de l’image d’un président proche du peuple, une autre lecture s’impose. Pourquoi ces visites interviennent-elles systématiquement après les destructions ? Pourquoi les autorités attendent-elles que tout soit rasé pour « constater », « écouter » et parler de « relogement » ? Un accompagnement anticipé n’aurait-il pas permis d’éviter autant de souffrances et d’incompréhensions ?
Le cas d’un médecin récemment décédé, dans des circonstances que certains relient au stress causé par les déguerpissements, vient alourdir ce tableau déjà douloureux. Ce drame rappelle que les conséquences de ces opérations ne sont pas que matérielles : elles sont aussi humaines, psychologiques, parfois irréversibles.
En février dernier, lors d’un précédent passage nocturne dans un autre quartier déguerpi, Brice Clotaire Oligui Nguema aurait été accueilli par le vide : personne sur place, la zone était déjà vidée de ses occupants. Cette fois, qui a-t-il trouvé à Plaine-Orety ? Des citoyens émus ? Des mères en pleurs ? Des enfants sans repères ? Ou simplement des visages marqués par la résignation ?
Le symbole est puissant. Mais le symbole ne suffit plus. À force de constater après coup, l’État risque de perdre en crédibilité. Le respect de l’ordre, de l’urbanisme, de la loi, est nécessaire. Mais il doit aller de pair avec une véritable politique sociale, anticipée, équitable, et humaine.
La visite présidentielle a été saluée dans certains cercles comme le signe d’un leadership de proximité. Soit. Mais la question reste entière : qu’attend-on pour faire précéder la casse par la concertation ? À quand un Gabon où l’État protège d’abord, avant de punir ? Où le citoyen est prévenu, écouté, relogé, avant d’être chassé ? Ce que l’on fait dans la nuit, même avec bonne intention, finit toujours par être jugé à la lumière du jour.